CLAUDE VALLON

1973-1974: ANNÉES-CHARNIÈRES

ESSAY

L’année 1972 marque un recul dans la production ou si l’on préfère une adaptation aux possibilités réelles de la ciné-matographie yougoslave (16 films projetés à Pula en 1973 dont les plus «difficiles» en dehors des Arènes romaines, à la Maison de l’Armée).

Le catalogue publié à cette occasion par le bureau de Jugoslavia Film de Belgrade en comporte seize, également, mais avec des différences. Quatre films concernent directement ou indirectement la lutte des partisans, deux sont des histoires d’amour avec un background social, les dix autres sont des drames psychologiques, un seul s’affichant comme une comédie indiscutable.

La lutte des partisans

Dans la première catégorie, Les lanceurs de bombes (Bombasi) de PREDRAG GOLUBOVIC, production Avala Film Belgrade, s’attache à la description de deux héros qui entreprennent les actions de sabotage que requiert un armement de combat défaillant. L’exaltation de la vaillance, du sang-froid et du savoir-faire fait partie du culte d’un passé tout récent, et la démagogie n’est pas absente d’une telle exploitation de l’histoire (jamais située, mais considérée d’un point de vue strictement aneodotique, comme s’il s’agissait simplement de raviver les souvenirs que chacun porte en soi).

Sutjeska de STIPE DELIC, coproduction FRZ Sutjeska, Bosna film, Zêta film, Budva, présente toutes les caractéristiques du film ambitieux. Des conseils sont sollicités auprès de Sergej Bondartehouk, d’Orson Welles qui aurait déclaré: «Le public de film du monde entier devrait apprendre par cette œuvre ce qu’il ne connaît pas, mais sans avoir le sentiment que vous lui faites une conférence sur l’histoire militaire et politique!» Theodorakis est invité à composer la musique, Richard Burton et Irène Papas figurent parmi les vedettes du film où l’on a rassemblé par ailleurs les meilleurs acteurs yougoslaves (Bâta Zivanovic, Milena Dravic notamment). Le sujet se rapporte à la cinquième offensive d’Hitler contre Tito et ses partisans en 1943. 120 000 soldats sont mobilisés dans la bataille contre 20 000 partisans dont un cinquième est malade ou blessé. 7 000 hommes restent sur le terrain. Le Général Lütters commandant de l’armée allemande écrira dans son journal qu’il a été impressionné par l’organisation des partisans de Tito...

Richard Burton incarne Tito dans cette fresque d’histoire nationale, dont la préparation a duré deux ans et le tournage huit mois, de 1971 à 1972. La plus grande partie des scènes a été filmée sur le terrain avec le concours de l’armée yougoslave et l’aide de conseillers militaires, parmi lesquels Tito lui-même, qui aurait insisté sur le rôle à donner à l’humanisme révolutionnaire.

Le réalisateur du film, Stipe Délie recevait avec Sutjeska sa première grande responsabilité, après avoir collaboré au tournage d’une septantaine de films.

Les ambitions artistiques ou simplement documentaires sont noyées dans une telle œuvre sous le flot de pathétique propre à l’exaltation de vertus nationales.

Le sel (So) de GOJKO SIPOVAC (qui a débuté comme scénariste en 1953), production Studio Film Sarajevo, retrace un événement héroïque de la guerre des partisans sans le situer, tout comme Les Lanceurs de bombes. Face à un ennemi mieux armé et plus puissant, les partisans avec des moyens dérisoires et une grande habileté vont réussir à s’emparer des sacs de sel indispensables à la population. On reconnaît là une thématique classique, soulignée par une action sans cesse poignante et dramatique.

Le Fugitif (Begunec) de JANË KAVCIC (scénariste en 1949 puis chef de production avant de devenir réalisateur), coproduction Viba Film Ljubljana et FRZ Belgrade, est d’un intérêt différent/puisque la guerre sert d’arrière-plan à l’évocation du déchirement national incarné dans trois personnages: Anna, Ivan et Ernest sont contemporains. Ils ont été à l’école ensemble et partagent amour et amitié, sans conflit majeur jusqu’à la guerre. Anna se rapproché des partisans, Ivan (élevé dans un monastère) se déclare fasciste, Ernest refuse de prendre parti. Une fin tragique les attend, car la réconciliation au nom de l’amour est non seulement impossible, mais l’histoire commande une attitude directement axée sur l’avenir, ce qu’Anna elle-même a de la peine à admettre.

On entre, avec un tel film, dans une problématique plus moderne, où le tableau idéal (et idyllique) de la révolution révèle ses coins d’ombres et montre ses épines. Le corps de la nation contient toujours des séquelles d’un passé où les forces étaient antagonistes. Comment construire l’avenir sinon en s’engageant délibérément de son côté? L’idéal révolutionnaire et national prime sur toute espèce d’engagement personnel.

Le film pèche par son anecdotisme, et son souci de justesse psychologique.

L’amour

Vivre de l’amou» (Zivjeti od Ljubavi) de KRESO GOLIK (débuts dans le cinéma en 1948), production Croatija Film Zagreb, raconte l’histoire de deux étudiants, où le sacrifice de l’un devrait entraîner l’autre à réussir, mais où il ne conduit qu’à l’échec (l’entretenu, en roccurrence l’homme, se révolte et l’amour se dilue). Minja, la femme, comprendra que l’avenir lui appartient si elle abandonne tout romantisme...

Une jeunesse forte, studieuse, optimiste, voilà ce que souhaite le système. Mais les barrières sont nombreuses. Le film parle des oppositions individuelles et communautaires (rivalités et mesquineries de toutes sortes) compromettant le libre épanouissement de l’être social positif...

Là encore, sous les dehors d’une anecdote, surgit une démagogie insidieuse... L’amour dans les sillon» (Ljubezen na odorn) de VOJKO DULETIC (débuts en 1963), production Viba Film à Ljubljana, rapporte une anecdote plus primitive. Une femme mariée à un vieux paysan, mère de plusieurs enfants, tombe amoureuse d’un bûcheron. Elle quitte son foyer, réussit à être heureuse quand le destin se retourne contre elle et son amant... Inspiré d’une nouvelle de Voranc, ce film correspond à la sensibilité traditionnelle; l’habitude de lutter contre la nature s’accorde avec une certaine brutalité des sentiments. Le réalisateur a su éviter l’édulcoration du sujet, sans toutefois apporter le contre-point lyrique qui convenait à l’approche réaliste de ce drame paysan.

Drames psychologiques

Dans Paja et Jare, conducteurs de poids lourds (Paja i Jare) de MILO DUKANOVIC (débuts en 1954 dans le documentaire), production Avala Film Belgrade, les héros souhaiteraient rouler à l’étranger, mais n’ont pas les qualifications requises. Leurs premières tentatives pour les obtenir échouent, ils se lancent dans de petites aventures, avant de s’engager à fond dans la préparation des certificats indispensables à une promotion. Ce qu’ils finiront par réussir.

En dehors de la peinture de deux caractères, ce film évoque les difficultés du monde du travail, où la débrouillardise est quasi congénitale. Mais les touches de critique sociale sont si faibles qu’on est obligé de convenir qu’elles ne sont pas le premier souci du réalisateur.

Par certains côtés, ce type de réalisation fait penser au cinéma français courant, toutes distances gardées bien entnedu.

La jeune fille aux taches de rousseur (Pjegava Djevojka) de MIRZA IRDIZOVIC (Bosna Film Sarajevo), projeté à Pula en 1974, a les allures d’une comédie légère. Une jeune femme que le vent d’aventure pousse à quitter son mari âgé et riche (on remarquera qu’une telle thématique est aussi vieille que l’art comique), se lance dans des opérations peu orthodoxes où l’argent est le nerf de l’action...

Ginger (Zuta) de VLADIMIR TADEJ (débuts en 1957 dans un film d’animation de Vukotic comme co-scénariste de Cowboy Jimniy) raconte des aventures assez semblables. Une fille livrée à elle-même se met à vivre comme un vagabond avec les moyens du bord. Le comique ici est recherché comme contre-point à l’aspect négatif de l’action.

Nous sommes trahis, Irène (Ukleti smo, Irina) de KOLE ANGELOVSKI (débuts œrnme acteur en 1962 dans Sasa de Radenko Ostojic), coproduction Filmstudio Skopje et FRZ Belgrade, pourrait être une histoire d’amour à parenté japonaise, à regarder la dimension incestueuse de l’affaire: un père séduit sa belle-fille et ruine la famille!... C’est un film d’acteurs avec ce même élément primitif que nous signalions pour L’amour dans les sillons, mais la vraisemblance du film souffre de certaines lourdeurs et maladresses du scénario écrit également par Angelovski.

Tu piges mon vieux (Kuzis stari moj) de VANCA KLJAKOVIC (débuts comme co-scénariste en 1964 dans le film d’Obrad Glusevic Lito Vilovito), production ladran Film Zagreb, rapporte les aventures d’un clochard sympathique, sans attache précise avec le monde, se laissant porter par les circonstances. La réalisation a quelque chose de boulevardier, n’évitant pas les poncifs du genre, quand bien même il apparaîtrait quelques éléments de critique (si impersonnels d’ailleurs qu’ils ne gênent personne!).

Conflit (Razmeda) de KRESO GOLIK, production Radio Televizija Zagreb, s’inscrit dans la ligne des drames paysans. Un paysan isolé continue de vivre comme par le passé, se mettant en conflit avec son entourage. L’individua-lisme forcené est condamné au nom d’une dynamique progressiste. Mais l’étude de caractère prédomine dans le film.

Fleurs d’automne (Cvece v Jeseni) de MATJAZ KLOPCIC (débuts dans le documentaire en 1959), production Vesna Film Ljubliana, est tiré d’une histoire écrite en 1917 par l’écrivain slovène Ivan Tavcar. Un avocat âgé tombe amoureux de la fille d’un paysan, mais au moment où il songe à l’épouser elle meurt subitement comme si quelque fatalité voulait empêcher la consommation d’une Laison contre nature, si tant est que l’avocat représente la ville et la tentation de la civilisation, alors que la jeune fille évoque la pureté et les ressources vives de la nature.

Une représentation villageoise de Hamlet (Predstava Hamleta u selu mrdusa donja) de KRSTO PAPIC (débuts comme co-scénariste en 1965), production Jadran Film Zagreb, est d’une autre trempe, par l’émergence d’une observation sociale autrement plus élaborée. Le scénario marie habilement théâtre et cinéma au point que l’un se met au service de l’autre., Les habitants d’un village sous la conduite du président de la coopérative agricole, un homme tyrannique et implacable, préparent un spectacle pour l’anniversaire de son élection. Le président jette son dévolu sur Hamlet et bien que les acteurs-paysans soient peu préparés à ce genre de production, ils s’attèlant si fermement à leur idée que les personnages de Shakespeare prennent consistance du seul fait qu’ils se montrent comme ils sont, révélant leurs conflits et leurs faiblesses. La vérité sous-jacente, que tout le monde taisait, éclate ici à la faveur de l’irruption du théâtre dans la vie simple de braves gens.

Deux autres films dont nous parlerons plus loin apportent des éléments artistiques nouveaux tant par leur thématique que par leur qualité formelle. Il s’agit de Timon de Tomislav Radie et de La Chronique d’un meurtre de Lordan Zafranovic. A noter la présence à Pula d’une coproduction hispano-yougoslave Primevère mortelle (Smrtno Prolece) de Stevan Petroyic.

1974

1974 voit les efforts de restructuration de la production se confirmer: accentuation de l’autogestion, diminution des toutes grosses réalisations et accent sur les coproductions entre républiques*.

Le Festival de Pula s’ancre, comme celui de 1973, au Festival de cinéma amateur et au Festival des films de pionniers, pour garder un contact avec les générations nouvelles ou moins sophistiquées (l’influence des ciné-clubs amateurs sur la promotion de nouveaux cinéastes est un phénomène typiquement yougoslave). Néanmoins, le panorama de la production (18 films) ne diffère pas fondamentalement du précédent (six films de guerre, un film historique, un film d’espipnnage, dix drames psychologiques à résonance plus ou moins sociale). Dans les films de guerre, à deux reprises l’action est conduite par des enfants; le public fera ainsi un accueil délirant à Kapetan Mikula Mali, ce qui montre assez ses goûts traditionnels.

Encore la guerre

Optisani de ALEKSANDER DORDEVIC (CFS Kosutnjak et TV Belgrade) rapporte la lutte d’une poignée de* partisans contre un garage occupé par les Allemands dans Belgrade en guerre. L’action prend une énorme importance et son aspect spectaculaire n’est pas négligé, mais l’attention se porte également sur la naissance du devoir national chez les jeunes étudiants qui de la provocation vont glisser vers la guérilla concertée.

Il y a là un effort pour recréer île climat de la génération perdue...

Mirko et Slavko de TORI JANKOVIC, production Decje novine, raconte la guerre de deux enfants qui ont assisté dans leur village à l’exécution de tous les hommes vaillants.

Partisans (Partizani) de STOLE JANKOVIC, coproduction FRZ Film cetrdesetprva, Avala Film Belgrade) se situe en 1941 au moment où les forces réunies par les partisans se heurtent un peu partout aux Allemands. Une jeune fille juive est tiraillée entre l’amour qu’elle porte à un Autrichien enrôlé dans les troupes ennemies et celui qui naît pour le commandant du groupe des résistants. Le conflit trouvera son paroxysme au moment où l’Autrichien à la tête d’une expédition punitive affronte les partisans.

Dans un tel film, où s’amorce une ébauche de la question juive, les côtés spectaculaires des opérations militaires prennent le pas sur toute autre considération. Et l’histoire d’amour a un regain de guimauve.

La République d’Uzice (Uzicka Republika) de ZIKA MITROVIC (débuts comme scénariste en 1961), production Inex Film Belgrade: Bora Vranic, un combattant de la guerre d’Espagne, a reçu la tâche de procéder à un soulèvement dans l’ouest de la Serbie. Le groupe de partisans formé à son instigation doit combattre l’armée des nationalistes locaux (les ehetniks), bien qu’une tentative de conciliation ait eu lieu. Les Allemands viendront à bout du groupe de résistants tandis que les nationalistes se débattront dans leur crise de conscience. Mais le dernier mot n’est pas dit et si la République d’Uzice est morte après 67 jours, la guerre n’est pas finie...

Le film introduit un élément d’appréciation intéressant dans la thématique de la guerre de partisans, soit le caractère marginal mais dynamique de l’action communiste. Mais des simplifications empêchent toutefois de discerner précisément les rapports des commandos avec les autres éléments nationalistes.

Le Mariage (Svadba) de RADOMIR SARANO-VIC, premier long métrage d’un documentariste (co-production Filmski Studio de Titograd et Kinostudio «Dovjenko» de Kiev) s’inspire d’un roman de Mihailo Lalic, par ailleurs acteur de renom. L’action se situe en 1943 dans le camp de concentration installé par les chetniks à Kolasin. Les prisonniers se préparent à la révolte et à la fuite sous la conduite de l’un d’eux rendu attentif aux nécessités de la lutte par un commissaire politique. Quand les Allemands ont remplacé les chetniks au mépris de toute règle de loyauté, les prisonniers engagent une bataille pour la vie ou la mort.

Ce film contient une série de notations précises sur le comportement des leaders qui en font une œuvre beaucoup plus solide, sérieuse et dense que la plupart des productions semblables. La typification au lieu d’être poussée à l’extrême est soigneusement «échantillonnée» au point que l’anecdote est heureusement secondaire. On touche même à quelque veine épique.

Capitaine Mikula le Petit (Kapetan Mikula Mali) de OBRAD GLUSEVIC (début en 1948 dans la réalisation de documentaires) est une histoire charmante qui se déroule dans un petit village occupé par les Allemands. Les habitants sont contraints de fuir dans leurs bateaux de pêche. Celui du grand-père de Mikula tombe en panne et ce sont des enfants qui vont à la suite d’aventures périlleuses le dépanner et le conduire en eaux sûres. Tout cela fait songer à L’Ile au Trésor ou à des récits de même conception. La guerre n’est plus un fait d’histoire mais un décor abstrait dont les pièges seuls sont apparents. Le public a montré qu’il se passionnait pour cette espèce de conte moderne.

Le détachement de mineurs (Rudarska Ceta) de PREDRAG GOLUBOVIC (débuts dans le court métrage en 1964), coproduction Kosara Film, Pristina, Avala Film Belgrade, Centar FRZ Belgrade, se situe le premier jour de la guerre en 1941 quand les Allemainds occupèrent Trepca, la plus grande mine de cuivre d’Europe. Les mineurs se rebellent à l’instigation du parti communiste et sabotent le travail.

L’action prend ici des valeurs spectaculaires au détriment du message lui-même.

Histoire

Le derviche et la mort (Dervis i srnrt de ZDRAVKO VILIMIROVIC (début dans le court métrage documentaire en 1960), coproduction Avala Film, Bosna Film, Studio Titograd, Zêta Film est tiré d’un roman de Mese Selimovica. Il se situe au XIXe siècle au temps de l’empire ottoman et constitue une sorte de réflexion sur le pouvoir et la liberté; Le héros outragé par l’assassinat de son frère par les autorités, entreprend de renverser le gouvernement pensant de ce seul fait «changer le monde». Mais les règles de l’autorité vont le conduire à renier jusqu’à ses meilleurs amis.

Les voies du pouvoir s’accommodent difficilement des idéaux libertaires quand ceux-ci se limitent à des ambitions personnelles...

H est rare qu’un film de grosse production soulève un problème original. La réalisation cependant noie les aspects les plus intéressants du sujet derrière un flot de décors et de faits divers.

Espionnage

Le service de sécurité ferme le cercle (SB Zatvara Krug) de MIOMIR STAMENKOVIC (débuts en 1964 dans une co-réalisation) raconte l’histoire d’un espion étranger envoyé à Belgrade. La réalisation pèche par de nombreuses maladresses mais introduit le spectateur dans les arcanes des bureaux politiques... et des services secrets.

Drames psychologiques

Les Kosava (Kosava) de DRAGOSLAV LAZIC (débuts dans le film amateur en 1960) production FRZ de Belgrade, montre de petites gens à la recherche de travail et les ennuis qu’ils rencontrent.

Contre King (Protiv Kinga) de DRAGOVAN JOVANOVIC (débuts par un travail de diplôme à l’Académie du film de Belgrade en 1965), production Centar FRZ Belgrade, raconte la dépendance d’un groupe de gosses vis-à-vis d’un «bon à rien», une sorte de caïd local. C’est à lui qu’ils remettent leurs économies moyennant quelques promesses en l’air. Cela jusqu’au jour où ils découvrent un autre héros, un vagabond (Roki) qui leur apprendra à se débarrasser de leur tyran. De délicates notations psychologiques, mais la thématique reste mince.

Deps de ANTUN VRDOLJAK (débuts comme réalisateur et scénariste dans un film en trois parties Kljue 1965), production Jadran Film et Croatia Film Zagreb, met en scène un délinquant invétéré. Au cours de l’attente: dans un; commissariat de police, le «petit» héros se plonge, dans ses souvenirs qui permettent aux spectateurs de se faire une idée sur sa responsabilité. Comme il est libéré de tout soupçon dans l’affaire pour laquelle on l’a arrêté, il prend la décision, ayant dressé le bilan de son existence, de rompre toutes ses attaches antérieures.

Le thème du vagabond, de l’être insociable ou asociable est une fois encore abordé, mais avec davantage de désinvolture que précédemment, même si une morale prudente récupère le récit.

Le vol de l’oiseau mort (let mrtve ptice) de ZIVO-JIN PAVLOVIC (débuts comme amateur au Cineçlub de Belgrade en 1961), nous fait pénétrer dans l’atmosphère d’un village slovène, Prekomurje. Les fils d’un paysan fortement attaché à sa terre ont tous cherché ailleurs une raison d’être (le fils aîné travaille comme saisonnier en Autriche, le second revenu d’Allemagne transforme un moulin en ruine en auberge et le troisième s’est installé comme vétérinaire mais n’a guère de contacts avec la communauté). Ce sont les hauts comme les petits faits de l’existence qui apparaissent au long des jours. Un monde nouveau se heurte à l’ancien. La réalisation est très proche des réussites du cinéma hongrois. Il s’en dégage un climat rude et cruel, en même temps qu’un attachement à tout ce qui fait le sel de la vie.

«Attraper l’homme de l’intérieur», note le réalisateur. «Dans l’oscillation entre l’instinct primitif de la communauté, là où seulement il peut exister, vivre et vaincre, et le besoin d’être seul pour s’affirmer en tant qu’individu, l’homme, où qu’il soit, a quand on le regarde des traits étranges, tantôt rationnels tantôt irrationnels. J’ai donc désiré aller observer le village, cette organisation primitive de la vie, pour que là, chez ses habitants, aujourd’hui, en ce temps de replis et d’orages, de pénibles soupçons et de négations encore plus pénibles, j’examine les conséquences de la perte des normes patriarcales sous l’assaut des destructions éthiques contemporaines.

«De ce fait la victoire au nom des intérêts communs, l’anéantissement de l’épidémie — ne signifie pas encore le triomphe du collectif: (...) L’épidémie est anéantie et la foule célèbre sa victoire, mais l’homme et ses valeurs commencent à se décomposer. Ayant perdu son ancien compas pour la distinction entre le bien et le mal, son piédestal qui lui donnait une assurance stoïque, il se lance dans une navigation errante sans but et sens. La vie se meurt, il ne reste que la durée remplie de nostalgie de ce qui fut. La mort et le souvenir du bonheur illusoire d’antan, remplira chaque instant suivant de l’existence...

«Est-ce que les secousses qui ébranlent les milieux urbains et les incertitudes qu’apportent avec elles les migrations contemporaines des ouvriers des lieux économiquement non développés vers les zones industrielles au standing élevé et inversement, peuvent passer à côté du village contemporain?

«Est-ce que les fondements patriarcaux de la famille villageoise restent immunisés contre les fluctuations de l’expansion carcinominique de la société de consommation? Est-ce qu’une bataille commune contre l’épidémie empêche la ruine des familles ébranlées par les doutes concernant les catégories morales établies?

«Est-ce que la réactivation des principes chrétiens sur la souffrance en tant qu’unique forme possible de rachat écarte les désaccords entre les hommes et adoucit le tragique de leur vie?

«Au milieu des besognes agricoles les plus vives, dans un milieu ambiant poétique, la vie humaine confrontée à toutes les questions de l’époque contemporaine, essaie de trouver une réponse.

«Mais il n’y a pas de réponse, et la joie et l’espoir sont remplacées par la nostalgie, le tourment et la mort.

«Le vol de la cigogne au-dessus de l’immense plaine de Pannonie cesse d’être le symbole du désespoir. La vie au milieu des contrées pastorales, jusqu’ici remplie de travail et de solennités païennes, semble commencer à perdre tout sens.»

Ces lignes valent d’être citées in extenso, car elles apportent une réflexion sérieuse sur le problème très général qui trouble les jeunes cinéastes, à savoir le «vers quoi glissons-nous?»

Les petits (Pastireici) de FRANCE STIGLIC (co-production Viba-Film, Kinematografija Zagreb), tiré du roman de France Bevk et tourné dans la vallée de Selce, raconte les aventures d’enfants qu doivent s’engager comme pâtres. Les jeux souvent cruels qu’ils mènent les uns avec les autres caricaturent les conflits des adultes.

Une réalisation charmante, ne sortant guère des habitudes du genre. Nous parlerons plus loin de Polenov Prah dé Nikola Stôjanovic, de Kud Puklo da Puklo de Rajko Griic et de Parlog de Karolj Vicek.

* Coproductions qui ne vont pas de soi, elles s’assortissent de problèmes de langues et de mentalités suivant les cas!

1973-1974: JAHRE DER WENDE

Mit dem Jahr 1972 setzte ein Rückgang der Produktion ein, was einer Anpassung an die realen Möglichkeiten gleichkommt. Von den 16 am Festival in Pula 1973 gezeigten Filmen behandeln vier den Kampf der Partisanen, zwei sind Liebesgeschichten, und zehn sind psychologische Dramen. Zur ersten Kategorie gehört Sutjeska mit Richard Burton als Tito und Irene Papas, dokumentarisch und voll pathetischen Nationalgefühls, Der Flüchtling dagegen zeigt anhand von drei Personen die nationale Zerrissenheit. Von Liebe leben ist die Geschichte zweier Studenten, die zur Erkenntnis führt, dass die Zukunft nur jenem gehört, der die Romantik aufgibt, und auch die Liebe zwischen den Furchen (Frau zwischen Bauer und Holzfäller) weist realistische Züge auf. Zu den psychologischen Filmen gehören Paja und Jare, die Lastwagenfahrer (Probleme der Arbeitswelt), in den Filmen Das Mädchen, Ginger, Wir sind verhext, Irene und Frühlingsblumen werden Mesalliancen dargestellt. Verstehst, Alter und Konflikt behandeln die Vereinsamung. In der Dörflichen Vorstellung des Hamlet kommen die psychologischen Schwierigkeiten eines ganzen Dorfes zur Sprache.

Am Festival 1974 wurden sechs Kriegsfilme, je ein historischer und ein Spionagefilm, sechs psychologische Dramen und mehrere Filme mit sozialen Themen vorgeführt. In den beiden Kriegsfilmen Hauptmann Mikula, der Bub und Mirko und Slavko spielen Kinder die Hauptrollen; wie die Partisanen behandeln auch die übrigen den Widerstandskampf. In der historischen Grossproduktion Der Derwisch und der Tod ertrinken die Hauptaspekte in der Flut der Dekorationen, und der Titel des Spionagefilms spricht für sich selbst: Der Sicherheitsdienst schliesst den Kreis. Im psychologischen Film Der Gegenkönig tritt ein Vagabund als Gegenspieler eines Lokaltyrannen auf, und in Deps spielt ein notorischer Delinquent die Hauptrolle. Der Flug des toten Vogels zeigt die Probleme von drei Bauernsöhnen, die die Scholle verlassen haben; auch Die kleinen Hirten haben die Bauernsame und den Generationenkonflikt zum Thema, nun zwischen Kindern und Erwachsenen. (jb)

Claude Vallon
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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