FREDDY LANDRY

TROP D'ÉCOLES EN BELGIQUE?

ESSAY

On trouve en Belgique plusieurs écoles de cinéma. Des universités ont ouvert des sections diverses liées au cinéma et à la télévision. On y forme des techniciens pour tous postes, des réalisateurs aussi.

Pourquoi autant d'écoles? L'enseignement public rivalise avec l'enseignement privé catholique, les compétitions culturelles et linguistiques sont vives entre francophones et flamands, d'où cette surenchère pour «fabriquer» parfois des chômeurs. Certains rêvent d'une industrie cinématographique forte et vivante. Mais c'est illusion que de vouloir rivaliser avec les grands pays producteurs sans en avoir les moyens tout en tolérant comme partout que le marché cinématographique soit aux mains des grandes compagnies américaines — l'oppression culturelle au nom de la libre entreprise. Les écoles préparent donc les employés de cette future industrie. On baigne dans l'utopie.

«L'annuaire du film belge» édité par la Cinémathèque Royale de Belgique (année 72/73) donne la liste des écoles: le Département de communication sociale de l'Université catholique de Louvain, avec une section francophone et une section flamande, l'Ecole nationale supérieure d'architecture et d'arts visuels, un Institut de cinématographie expérimentale d'animation, un Institut des Arts de Diffusion (IAD), l'Institut National de Radio-électricité et de cinématographie (In. Ra.Ci), la section de journalisme et de communication sociale de l'Université Libre de Bruxelles, l'Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (INSAS) et son équivalent flamand, école d'Etat elle aussi, le RITCS.

Que cela fasse trop est affaire belge.

Des films d'élèves groupés par écoles ont été présentés au cours du Dixième festival national du film belge (10 au 19 octobre 1974 à Bruxelles). Nous n'avons pu les voir tous. Il est normal de supposer que des choix ont été faits par les directions d'écoles pour présenter leur carte de visite, car le programme n'a pas été composé par tirage au sort. Nous tiendrons donc ces films comme significatifs de l'esprit d'une école. Reflète-t-il la vie cinématographique du pays ou faut-il y voir en puissance les tendances qui s'exprimeront demain?

Preparation au cinéma publicitaire

Si certains films publicitaires réalisés pour les chemins de fer sont professionnellement de bonne qualité, une série de «travellogs» de la Sabena est d'une sidérante maladresse et d'une désinvolture technique incroyable. Des écoles comme l'IAD ou l'InRaCi donnent l'impression de limiter leur ambition à la formation des techniciens de l'industrie du film publicitaire. Que de films mal joués par des comédiens qui disent mal leur texte, que de sons mal enregistrés. On pourrait passer sur des maladresses de débutants si l'inspiration, un certain élan étaient là. Ils sont totalement absents.

Confrontation entre écoles d'état

Opposons l'INSAS francophone à la RITCS flamande, qui coexistent dans les mêmes locaux. C'est presque comparer les deux cinémas belges. Du côté flamand, il y a beaucoup de littérature, un peu de fantastique, un désir de respecter une tradition picturale dans la plastique des couleurs auxquels s'ajoutent pour faire bouillir la marmite et attirer le public l'inévitable érotisme qui n'est souvent que pornographie. La vision de quelques films d'élèves donne fortement l'impression que la RITCS est une école de préparation à un cinéma un peu inutile, commercial sans élan, figé déjà dans ses structures. Anecdote significative: dans nos notes de vision, nous avions écrit que ce programme était caractérisé par un cinéma à la sous-Verhavert ou sur-Degelin, sans savoir que ces deux cinéastes, assez bons faiseurs, y enseignaient. On tente d'apprendre à des jeunes l'art d'emballer les déchets. L'école né semble avoir d'autre but que de justifier sa propre existence et de préparer des gens à faire comme les autres.

Beaucoup plus intéressant, le programme de l'INSAS, avec Crazy love, magnifique exemple de ce que devraient être des variétés télévisées personnelles, Promenade,, regard sensible et juste porté sur une vieille femme, Innocente victime et Ambiance, deux exercices de style, le premier dans l'utilisation plastique du noir/blanc, le second dans l'ajustement de plans séquences avec caméra toujours en mouvement, qui prouvent tous une réelle maîtrise technique d'équipe et la solidité du propos.

Assurément, une école doit former des techniciens, et le faire correctement. L'INSAS y parvient, mieux que d'autres semble-t-il. On n'apprend pas à devenir réalisateur, on peut seulement apprendre comment on doit organiser un tournage, se servir des moyens techniques.

La qualite d'une équipe

Former des employés pour l'industrie, pour la télévision, préparer la relève pour le cinéma traditionnel de long-métrage, ainsi avons-nous ressenti, au travers de films tenus pour significatifs, les ambitions avouées ou non de certaines écoles. Reste à savoir pourquoi l'INSAS semble faire mieux que les autres. On a d'impression que tout est fait pour respecter les tempéraments, faciliter la libre expression. Il faut chercher le pourquoi plus loin encore. L'esprit d'une école dépend probablement de la qualité de son corps enseignant et de la nature du dialogue entre maîtres et élèves. A l'INSAS enseignent des personnalités comme Sylvette Baudrot, Nicole Berkmans, Ghislain Cloquet, Michel Fano, Adelin Trinon, André Delvaux. Ce dernier domine le cinéma belge mais sait aussi imprimer de sa double culture, de ses étonnantes qualités d'attention, de son respect pour la démarche créatrice encore titubante de jeunes, l'esprit d'une école dans laquelle il enseigne régulièrement, parallèlement à sa carrière de cinéaste.

Attention, tout n'est pas parfait à l'INSAS et tout mauvais ailleurs. Les probables créateurs y semblent à l'aise sans que l'école cherche à en multiplier le nombre, soucieuse aussi de bien faire apprendre les métiers techniques. Mais pour qui tente d'aller à l'INSAS en ayant déjà quelque expérience, un problème grave se pose: durant les deux premières années (il y a trois ou quatre ans selon les sections), l'élève n'a pratiquement aucun contact avec la matière film — tout y est théorie ou visionnement. C'est une faiblesse, compensée toutefois par le fait que l'INSAS accueille assez largement des non-belges.

Il faut vraiment avoir envie de suivre une école, ou camoufler ses incertitudes pour attendre si longtemps avant de «toucher» un film. Et comment déceler vraiment les talents créateurs, même les aptitudes techniques, sans voir des ébauches de films déjà faits ?

Hypothese vérifiée dans l'animation

Nous expliquons donc ce qui nous semble être la supériorité de l'INSAS sur d'autres écoles belges par la qualité de ses enseignants et la nature du dialogue maîtres/élèves. La vision de films d'animation renforce la plausibilité de cette hypothèse. D'assez nombreux courts films d'animation belge professionnels nous ont désagréablement surpris par le côté relâché de leur forme graphique et la niaiserie de commentaires qui racontent ce que l'image montre ou aurait dû montrer. Cette animation est moins connue que celle du secteur industriel belge le plus vivant, qui gravite autour de Belvision (ateliers d'où sont sortis les Tintin cinématographiques et nombre de feuilletons télévisés dessinés). Or certains films d'animation d'élèves, très courts, offraient chacun une idée visuelle, une solution plastique, le silence des mots, la nervosité des gags. Comme par hasard, ils avaient été réalisés dam un atelier où enseigne Raoul Servais, le meilleur encore des cinéastes belges d'animation.

Un bon programme de films d'animation préparés sous la direction de Raoul Servais, la bonne qualité des quatre films d'élèves belges et étrangers de l'INSAS où travaille André Delvaux: ce n'est pas tout à fait un hasard...

ZU VIELE SCHULEN?

Weil private und staatliche Schulsysteme und überdies die Sprachregionen rivalisieren, hat Belgien auch eine ganze Anzahl von Schulen, die nicht selten Arbeitslose ausbilden. Das Jahrbuch des belgischen Films (72/73) nennt im ganzen acht Institutionen; einige davon werden zweisprachig geführt. Am 10. nationalen Filmfestival in Brüssel wurden im Oktober 1974 auch Schulfilme vorgeführt. Freddy Landry betrachtete sie unter einem besonderen Aspekt: Reflektieren diese Filme den aktuellen Stand der nationalen Kinematographie, oder zeigen sie vielleicht bereits Entwicklungen neuer Tendenzen an?

Am Institut des Arts de Diffusion (LAD) und am Institut National de Radio-électricité et de Cinématographie (InRaCi)

scheinen die Studenten vor allem zu brauchbaren Technikern in der Industriefilmfabrikation ausgebildet zu werden. Die Schulfilme zeigen weder Inspiration noch Elan.

INSAS (Institut national supérieur des arts et du spectacle et des techniques de diffusion) und RITCS (das flämische Parallelinstitut) wiederspiegeln in etwa die beiden belgischen Kinematographien. Die flämische Seite produziert literarische, schon leicht in den Formen erstarrt Schüierfllme; das INSAS erscheint im Spiegel seiner Schulfilme viel beweglicher. Das INSAS tut offensichtlich ein bisschen mehr als brauchbare Techniker für das Fernsehen und den Kommerzfilm auszubilden. Warum? Zum grossen Teil sind die Lehrer dafür verantwortlich. Leute wie Delvaux, Ghislain Cloquet, Nicole Berkmans haben sich hier nicht nur mit ein paar Stunden, sondern mit ihrer ganzen Sensibilität engagiert. Nicht alles ist allerdings gut am INSAS, vor allem die «Kopflastigkeit» des Instituts gibt zu denken. Zwei Jahre lang kommt der Student mit dem Material Film nicht in Berührung.

Das INSAS scheint die beste Schule zu sein, weil der Dialog zwischen Schülern und Lehrern fruchtbar werden kann. Die besten Trickfilme kamen aus einer Klasse, in der Raoul Servais unterrichtet; die besten Kurzspielfilme aus INSAS-Klassen, die mit André Delvaux arbeiten. Ein Zufall ist das wohl nicht. (msch)

Freddy Landry
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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