CLAUDE VALLON

LE COURT MÉTRAGE EN SUISSE

CH-FENSTER

Le court métrage qui s’est épanoui et a véritablement explosé avec le début des Journées du cinéma suisse de So-leure a toujours formé dans la cinématographie (et dans la mentalité) suisse un fond culturel appréciable sous sa forme documentaire. Condor-film A. G. à Zurich s’est fait le champion d’un produit bien fini (un cinéaste comme Nicolas Gess-ner y a aiguisé son talent avant de se lancer dans la production commerciale). Les mordus du seul «petit format» sont rares: Charles-Georges Duvanel appartient à cette minorité d’observateurs attentifs de l’environnement, sachant traiter de tout sujet de commande sans glisser dans la banalité ou le cliché.

Comme partout ailleurs, le court métrage est donc le banc d’essai de réalisateurs dont l’ambition est purement et simplement de s’exprimer dans le cinéma. Un banc d’essai obligatoire quand les moyens de production sont mesurés. Avec le développement de l’aide au cinéma et des groupes de production, on verra évoluer le court métrage du film — au film culturel (Kultur-film) ou au film de fiction de plus en plus long.

La nouveauté qu’a suscitée la production 16 mm, dans les années soixante, c’est l’expression libre et directe, en dehors de la commande commerciale. Expression d’idées ou de sentiments jugulés jusque-là par les contraintes et les barrières des conventions. Et cela dans un désordre, une anarchie plaisante. L’important consistait davantage dans l’acte de orésence par le cinéma que dans la netteté, la clarté et la cohérence du projet. Kurt Gloor (Mondo Karies), Robert Schär (Cave Canem), Bans-Ulrich Schlumpf (Weiter), Peter von Gunten (Mein persönlicher Beitrag zur Aktion gesundes Volk), Beat Kuert (Eine Welt wie Barbara), René Leutwyler (Manipulation), Georg Radanowicz (Pic Nie, Mottensack), Rolf Lyssy (Vita Parcœur), Bruno Gasser (Was wäre passiert, wenn Tell daneben geschossen hätte?), etc. Une position se dessinait quant à l’idéologie dominante, sans qu’il y ait pour autant une politisation radicale des sujets. Au contraire, on travaillait dans l’ambiguïté et la confusion. Radanowicz acceptait, par exemple, de faire parallèlement un travail de commande avec Douanier, une profession. Nul n’échappe aux impératifs du gagne-pain! Mais l’exercice de la caméra peut aller jusqu’à la réalisation plus concertée et plus élaborée: le document surgit alors dans ses aspects les plus divers. D’une part, et cela constitue une constante du cinéma suisse, le reportage ethnologique, sociologique ou aneedotique, plus loin, l’enquête et le «round up» sur une question économique, politique ou écologique (ce domaine particulièrement retient l’attention, l’urgence de ses thèmes contribuant à tout choix). Dans la première catégorie, citons Valvieja d’Yves Yersin, Le Panier à viande de Jacqueline Veuve, Une ville à Chandigarh d’Alain Tanner, le premier film de Brandt (Les nomades du soleil), puis la Chronique de la planète bleue de Brandt également, La Renaissance persane, Les Oubliés du désert, Aujourd’hui et demain de J.-Luc Nicollier ou les films de Paul Gmür, d’Anton Hollenstein ou de Ulrich Schweizer. Dans la seconde, Unser Lehrer de Bichsel et Seiler, Die Landschaftsfgärtner de Kurt Gloor, Braccia si, uomini no de Burri et Ammann, Henri Avanthay, Les Mineurs de la Presta par le Groupe de Tannen, Zur Wohnungsfrage de H et N. Sturm, L’école et la vie de Jacqueline Veuve, ou Le Quartier d’Osiris de F. Reusser et les étudiants de l’EAUG (Genève). Mais la rigueur est loin d’être scientifique et l’amour du document est souvent limité par des ambitions personnelles qui transforment le film en plaidoyer, plus ou moins sérieux. Le problème va évoluer dès que certains des réalisateurs cités aborderont le long métrage...

Quoi qu’il en soit, le sujet est souvent le prétexte à des analyses personnelles engagées avec plus ou moins de logique, de motivations et de conviction. C’est pourquoi l’essentiel de la nouvelle production de court métrage se tourne vers l’essai et la fiction. Essai sur un motif plus ou moins imposé ou essai tout à fait libre. Fiction par nécessité ou par exercice. Mais les tendances là encore sont difficiles à résumer.

Ormenis 199 + 69 de Markus Imhoof parle autant de la cavalerie que de l’image mythique que l’armée en a fait. C’est un document mais c’est plus que cela, puisque l’auteur y met un point de vue personnel; Biladi, une évolution de Francis Reusser est une profession de foi de l’auteur autant qu’un schéma de la lutte révolutionnaire des mouvements de libération de la Palestine; «La longue marche de l’animation culturelle» de Brossard et Voser se présente comme la démonstration d’une idée, mais se résume en une série d’argumentations favorables à celle-ci, Arbeiterehe de Robert Boner se rapproche de la fiction tout comme Lo Stagionale de Bizzari, etc. Du côté du portrait, le cinéaste se sent plus libre encore, puisque la vérité de l’interviewé lui sert de caution: Le petit Monde de Ruey et Schibler, Max Daetwyler de N. Feusi, Clay Regazzoni de Mario Cortesi, Le Bonheur à septante ans de Lucienne Lannaz et Marcel Leiser, Fifteen de Gnant, Kovach et Seiler, Gustav 72 d’Yvonne Escher Pietro de Keusch Emil Eberli de Rappeler, Max Bosshard de Siber; Murer se permet une ironie directe dans Christopher und Alexander, et c’est en général vers d’autres artistes, que les courts-métra-gistes se dirigent; le nombre des films sur un autre créateur ou sur l’univers de celui-ci est important (comme s’il y avait une nécessité structurelle et intellectuelle à rattacher son travail à une thématique existante): Bernard Luginbühl, Chicorée, Passagen de Murer, 22 Fragen an Max Bill de Radanowicz; Notizen über Annemie Fontanna» de Bertschi et Hesse, Irène Zurkinden, Potrait einer Malerin de Bernhard Raith, Armand Schulthess de H.-U. Schlumpf, Haltungen de R. Föll...

La fiction commence avec des thèmes inspirés directement de l’actualité: Justice de Erich Langjahr par exemple, Rondo de Markus Imhoof, Métro de Plans Sturm, Vivre de Cl. Richardet; Thut alles im Finstern Eurem Herrn das Licht zu ersparen de Daniel Schmdi; Isidor Huber und die Folgen de Urs et Marlies Graf; Une fille et un fusil de Marcel Leiser. Puis l’invention se diversifie encore. E n’y a pas de rapport direct entre Antoine et Cléopâtre de Reusser et Odette de Jenkins ou entre ce même Odette et Umleitung ou Wir sterben vor ou Boomerang de Aebersold, Klopfenstein et Schaad, ou encore entre l’un de ces films et Ballonbremser de Marcus P. Nester. De manière générale, en Suisse française, l’ancienne ligne Cinéma Marginal et celle de Milos-Film seconde manière se ressemblent: très proches toutes deux de la nouvelle littéraire. Marcel Schiipbach Murmure, Claire au pays du silence se révèle peut-être le plus scrupuleux dans la construction d’un espace cinématographique; Michel Bory semble l’imiter (Les onze coups de midi); Champion, Reusser, Sandoz et Yersin qui avaient collaboré à un long métrage conçu en quatre courts métrages (Quatre d’entre elles) ont des préoccupations plus sociales, quoique baignées de lyrisme. La fiction en Suisse alémanique a un caractère d’imitation cinématographique (genres, thèmes) ou nourrit des ambitions plus larges. Elle va toucher par exemple à l’animation avec Die Sage vom Alten Hirten Xeudi und seinem Freund Reiman de H.-J. Siber. Les ressources de la technique permettent ici des dévelopements stylistiques originaux.

A partir de là s’ouvre le domaine vaste par lui-même du cinéma d’animation qui touche aussi à tous les genres: de la fiction pure au conte, du conte à l’aneodote-gag, de l’anecdote-gag au commentaire musical, du commentaire musical au pamphlet, du pamphlet au montage photographique, du montage photographique au film conceptualiste. Citons pour mémoire: Dufaux, Ansorge, Liechti, Senn, Siber, Huppert, Champion, Bauermeister...

Comment en définitive relier le tout, sinon par une explication sommaire: le besoin, d’une part, d’acquérir un langage propre et, d’autre part, d’affirmer une identité distincte par rapport à l’acquis culturel. L’expression par le court métrage en reste au balbutiement, à l’expérimentation. Elle ne touche pas à l’amélioration du modèle qui serait un format et un discours type. C’est le hasard qui décide de telle ou telle solution, un hasard qu’on arrange à ses goûts avant de faire le pas du long métrage.

N’empêche que s’exprime à travers des messages contradictoires et souvent diffus, une forme générale d’attitude frondeuse, moins docile quant aux valeurs reçues et quant au pouvoir éatbli. Une liberté de conception, pas toujours dégagée des modes, mais agréable dans ses naïvetés et ses imitations mêmes. Mais l’évolution est nette: le nombre des grandes productions augmentant, le court métrage devient l’outil du pauvre ou du moins doté ou du débutant...

N. B. Ce parcours dans le temps et dans le répertoire ne prétend pas épuiser le sujet qui mériterait qu’on s’y attarde très longuement.

DER KURZFILM IN DER SCHWEIZ

Claude Vallon untersucht in seinem Beitrag die mit den Anfängen der Solothurner Filmtage beginnende sprunghafte Entwicklung des schweizerischen Kurzfilmes.

Schlussfolgernd meint er, dass es in der Aussage in dieser Filmgattung beim Experiment bleibe, was natürlich zu keiner Qualitätssteigerung beitrüge. Weiter hingen viele Entscheidungen sehr oft von Zufällen ab, von Zufällen, die man unendliche Male spielen Hesse, bevor der Schritt zum Langspielfilm gewagt würde.

Trotzdem findet C. Vallon diese, oft von Modeströmungen beeinflusste Konzeptfreiheit in ihrer Naivität und sogar in ihrer Nachahmung angenehm.

Der Autor schliesst mit der Feststellung, dass sich die Entwicklung ganz klar abzeichne: Die Zahl der Grossproduktionen nimmt ständig zu, der Kurzfilm bleibt dem mittellosen wie dem nicht sehr erfolgreichen Filmemacher oder dem Anfänger vorbehalten. (r.k.)

Claude Vallon
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
[© cinemabuch – seit über 60 Jahren mit Beiträgen zum Schweizer Film  ]