CATHERINE GRANDJEAN / FABIEN LANDRY

CINÉ-CLUB DU CERNEUX-PÉQUIGNOT

CH-FENSTER

Le ciné-club du Cerneux-Péquignot a été fondé en 1962. Ce fut, dans ce petit village du Haut-Jura neuchâtelois, rations, enclave catholique en pays protestant, parmi ses trois cents habitants, disons l’étonnement. Dans un coin pareil, qui pouvait prendre une telle initiative, sinon un «gauchiste» avant l’heure. Pourquoi un ciné-club sur place, alors qu’il y en avait d’autres, tout près, au Locle, à la Chaux-de-Fonds, au Val-de-Travers? Tout simplement parce qu’un homme désirait qu’il y ait une vie culturelle dans son village et qu’il avait décidé que l’on pouvait montrer des films à la population. Cet homme, artiste — Claudévard est peintre — s’est donc lancé dans une aventure presque incroyable au sein d’une communauté où l’on se méfiait de toute création culturelle et artistique.

Or les aînés ne désirent pas tellement sortir, sauf pour aller au match, au loto ou pour taper le carton au bistro du coin. Peu à peu, les jeunes devinrent plus nombreux. Rares sont ceux qui trouvent du travail sur place. On connait le problème de la désertion des villages dans les zones rurales. Mais beaucoup reviennent à la maison, le soir. D’autres quittent le ciné-club pour ceux des villes. Le ciné-club est peu à peu devenu une raison de se retrouver, au village. Et de discuter.

Son ciné-club, il nous l’a raconté longuement, au travers des films qui y furent présentés, et surtout de leur impact sur les gens. Les débuts furent chaotiques, mais les spectateurs finalement assez satisfaits de pouvoir voir des films qui passent rarement ailleurs. Car ce ciné-club aura fait un effort remarquable quant au choix. Les projections ont lieu dans une salle communale, par ailleurs fort inconfortable. Les moyens de projection sont réduits au 16 mm. Or qui, chez les distributeurs, pensait à une exploitation possible dans ce format vers 1965? Un ciné-club en 16 mm était donc condamné à chercher des films dans des collections d’amateurs (on trouva ainsi des Chaplin clandestins) et à la Cinémathèque suisse. Les premières années furent donc consacrées à l’histoire du cinéma. Peu à peu, les distributeurs se mirent au 16 mm, ce qui permet maintenant de présenter des films contemporains. Et même d’être allé jusqu’à des premières romandes ou suisses, Amann avec son Train Rouge, ou Jean-Pierre Lefèvre, qui se rendirent parmi d’autres au Cerneux-Péquignot.

Ce ciné-club tourne assez bien, avec ses quatre-vingt cartes qui représentent le point d’équilibre financier, et les soixante personnes qui assistent régulièrement aux séances. Il faut cependant dire d’un peu plus près comment se compose ce public.

Au début, tout le monde se méfiait du ciné-club. Les premiers spectateurs furent de tous âges, en famille, à trois gênérations. Or les aînés ne désirent pas tellement sortir, sauf pour aller au match, au loto ou pour taper le carton au bistro du coin. Peu à peu, les jeunes devinrent plus nombreux. Rares sont ceux qui trouvent du travail sur place. On connait le problème de la desertion des villages dans les zones rurales. Mais beaucoup reviennent à la maison, le soir. D’autres quit-tent le ciné-club pour ceux des villes. Le ciné-club est peu à peu devenu une raison de se retrouver, au village. Et de discuter.

Car le public du ciné-club animé par Claudévard est d’une étonnante réceptivité. Après la projection du film Les doigts dans la tête, les apprentis ont parlé, abondamment, et pendant des semaines, de cette vision de deux apprentis révoltés, contre rien. Que tout le monde semble se moquer de cette révolte les avait profondément touchés. Il faut aussi dire que le pays même, ce Haut-Jura des larges espaces, cette communauté d’essence paysanne et artisanale, sait réagir avec une grande sensibilité à des films comme Lettre paysanne ou Jeremiah Johnson, finalement plus proches d’eux par leurs thèmes et leurs rythmes que des Zurichois. Un tel public, maintenant cerné, réagit par la sensibilité, non en intellectuels cinéphiles qui coupent les cheveux en quatre parties inégales.

Ce ciné-club est né alors que la télévision n’était pas encore tellement répandue. Ainsi, il amenait finalement les gens à s’intéresser au monde extérieur. Ses membres vont rarement, maintenant, au cinéma dans une salle de la ville proche. Ils sont devenus, comme partout, téléspectateurs. Et fidèles à leur ciné-club ils sont restés. Cette position de presque monopole dans la vie culturelle d’une petite communauté aurait pu provoquer une certaine facilité dans le choix des films. Pour Claudévard, mieux vaut parfois perdre un membre à cause d’un film difficile que de sombrer dans la démagogie du programme flatteur. Tous les cinés-clubs ne peuvent pas en dire autant...

Catherine Grandjean
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
Fabien Landry
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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