CHRISTIAN ZEENDER

CENTRE D’ANIMATION CINÉMATOGRAPHIQUE GENÈVE

CH-FENSTER

Disposant à la fin des années soixante d’une seule salle programmant des films «art et essai», Genève était très mal placée pour voir présenter les courants du jeune cinéma alors en plein essor. La situation apparaît comme particulièrement grave avec la naissance du nouveau cinema suisse. Les premiers films de Roy et de Soutter connaissent une exploitation catas-trophique.

Quelques efforts sont néanmoins réalisés dans deux salles, l’une dépendant de la Cité universitaire, la Salle Patino, l’autre de la Maison des jeunes, d’où était déjà éclos le Théâtre de l’Atelier. L’événement décisif sera la projection, dans celle-ci, de Charles mort ou vif. Tanner s’est occupe lui-même de la distribution, et le film tient plusieurs semaines. La Maison des jeunes, aux activités culturelles nombreuses, va sans doute pouvoir intégrer le cinéma, et le promouvoir.

Mais la municipalité verra vite d’un mauvais œil un lieu qui tente de se transformer en Centre autonome. Aux mani-festations et à l’occupation des lieux répondront la fermeture, puis la normalisation.

Alain Tanner, dont le rôle dans la création du Centre d’animation est essentiel, met alors en rapport — nous sommes en 1971 — deux personnes préoccupées de la diffusion alternative de films: Francois Roulet, qui a travaillé à la cinémathèque d’Alger et Claude Richardet, cinéaste et enseignant genevois. La conjonction est favorable: une salle légèrement périphérique n’apporte pas à son propriétaire les recettes espérées; celui-ci, qui se trouve être le président de l’Association des cinémas de Suisse romande, est prêt à la louer. II a compris l’intérêt de la formation du spectateur, qui ne peut que profiter, à plus ou moins long terme, à l’ensemble du cinéma.

Et c’est la creation du Centre d’animation cinématographique, comportant un comité, une assemblée générale, deux responsables, Roulet et Richardet, dont la première tâche est de convaincre les différents milieux professionnels de l’intérêt du projet, et de trouver des subventions. La ville de Genève, qui subventionne avant tout des activités culturelles de prestige (Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse romande) ne manifeste, par l’intermediaire de la Conseillère administrative Girardin, aucun intérêt pour le cinema, et oppose une fin de non-recevoir. Le Canton, lui, est sceptique. II attend de voir si l’initiative est sérieuse, désire des preuves.

La première manifestation a lieu pourtant en 1972. Elle est consacrée à Michel Simon. Le succès dépasse les espérances. Le département de l’instruction publique, après une motion parlementaire et sous l’impulsion de son président André Chavanne, accorde une Subvention de 220 000 francs. La ville, toujours très réservée, offre non sans peine une caution de deficit.

Avec la reprise en gérance du cinéma, le C.A.C. possède à la fois le Statut d’association culturelle et celui d’exploitant. II peut jouer sur plusieurs tableaux. Des retrospectives sont consacrées à Marilyn Monroe, à Bergman, Bresson, la Nouvelle Vague, à des pays comme la Bulgarie, la Pologne, la Hongrie.

Ensuite, des divergences apparaissent entre les deux responsables. Les programmes en souffrent. Roulet désire une politique axée sur la qualité et l’importance des films avant tout. Richardet se préoccupe d’un travail en profondeur: projections décentralisées, ciné-clubs, formations. L’organisation de certaines manifestations est confiée à des extérieurs. Les plus remarquées seront le festival super huit et le festival de films de femmes.

Mais entre les organisateurs, c’est bientôt la crise, aggravée par un déficit certain. Roulet et Richardet démissionnent, pendant que l’équipe de base — secrétaires, responsables techniques, et quelques membres de l’association tentent de former un collectif. L’essentiel du travail est assumé par les deux secretaires qui, au prix d’un travail considerable, et d’erreurs parfois, maintiennent le navire à flot. Des articles, utilisant des citations tronquées et parfois déformées, attaquent les ini-tiateurs du C.A.C. et visent en particulier Tanner. Plutôt que d’entrer dans la polémique, celui-ci propose un nouvel animateur, aux pouvoirs étendus, qui enraierait la désaffection des spectateurs (due à des manifestations de plus en plus légèrement préparées) et propose l’un des responsables du festival de Toulon (devenu entre temps directeur du festival d’Hyères), Rui Nogueira. Celui-ci possède un tort essentiel: il est étranger. Un concours pour le poste ne donne aucun résultat. Et après avoir tout d’abord refusé un permis de travail à Nogueira, l’Etat de Genève finit par le lui accorder. Le nouveau directeur entrera donc en fonction au debut de 1978.

La conception qu’il a développée repose sur trois points essentiels: D’abord, entreprendre un effort de consolidation, et assurer les prochains programmes. Des rapports avec les festivals et les organes cinématographiques de divers pays per-mettront la mise sur pied d’un certain nombre d’hommages.

Ensuite, le Centre doit aller à la recherche d’un nouveau public. Des contacts seront pris avec des entreprises, et les ciné-clubs existants. II s’agira aussi de renouer les liens avec les organisations internationales, particulierement fortes à Genève.

Enfin, il faudra considerablement développer l’animation de la salle, un point très délaissé actuellement. Cinéastes, critiques, responsables viendront discuter avec le public.

Si ces perspectives s’annoncent bonnes, la Situation financière du Centre d’animation reste préoccupante. La chute de fréquentation continue à laisser un déficit, et les instances officielles ne se sont pas hâtées d’aider une institution qui semblait battre de l’aile. Rui Nogueira est donc condamne au succès seule manière de poursuivre une activité qui reste plus que jamais à Geneve la seule véritable alternative au marché commercial.

Christian Zeender
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(Stand: 2020)
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