CLAUDE VALLON

DOCUMENTAIRE ET ANIMATION

ESSAY

Aussi loin qu’on regarde l’histoire du pays, on rencontre une forte produotion de documentaires, ce qui ne constitue nullement une surprise, mais ce qui est loin d’être connu dans toute sa richesse: 43 documentaires en 1936 déjà, 17 en 1940 (il est difficile de savoir s’il s’agit de courts ou de longs métrages!).

En ce qui concerne le court métrage plus spécialement, il passe de 6 en 1945 à 222 en 1962 pour baisser ensuite à moins de 200 par année. On sait que des groupes de production sont spécialisés dans leur réalisation, et qu’ils se scindent euxnmêmes en deux catégories (documentaire ou animation, accidentellement les deux; Belgrade est plutôt le centre du documentaire, Zegreb celui de l’animation). Entre les premières productions documentaires et les productions actuelles, il y a toute l’évolution du genre, qui passe de l’observation didactique des phénomènes à l’illustration poétique des sujets. Le documentaire touche davantage à la fiction qu’au document, devient aujourd’hui point de vue, voire thématique d’auteur, alors qu’il n’était auparavant que sensibilité et intelligence d’artiste. Parmi les réalisateurs de documentaires, citons Balk, Skrigin, Bulajic, Petrovic, Babaja, Strbac, Skanata, Zaninovic, Djordevic, etc.

Dans l’année 1952 par exemple, 99 courts métrages sont tournés: 25 films de reportage, 20 films de réclame, 8 films de propagande, le reste (46 films) dans des genres différents allant du thème poétique au film d’animation (4). Parmi les noms d’alors, les plus répandus sont Vajda, Ivkovic, Denes, Kavcic. Au passage déjà apparaissent des noms plus connus aujourd’hui comme ceux de Gajic, Mitrovic, Velic, Nikolic, Katic, Stojanovic, Branko et Dusan Vukotic.

Ces toutes dernières années, la production yougoslave a surtout été présentée à Oberhausen où elle s’est affirmée comme l’une des plus cohérentes: Vlatko Gilic a reçu une véritable consécration en 1973 (dans Amour, Ljubav) il aborde de façon saisissante la question des travailleurs opérant loin de leur foyer: le long chemin que parcourt l’ouvrier pour descendre du chantier vers sa femme a pour contre-point le soin minutieux apporté par sa femme à préparer le repas. Elle le regarde manger: tout de problème des rapports entre homme et femme dans la société yougoslave se trouve posé sans aucun pédantisme. Mais le documentaire-collage d’un Paskaljevic (Enfants/Deçà) s’élève à un niveau tout aussi surprenant. Zilnik, Hic (dans l’admirable Hibou/Sova conquis de haute lutte, à force de patience, s’élève à une sorte de lyrisme sauvage fascinant), Tadic, Pavlinic, Nikolic, Golubovic, Marie, etc. apportent la même note vigoureuse dans d’autres sujets. Il y a comme une manière yougoslave qui se définirait par la rigueur du montage, la densité de la photo, le non-conformisme du message. Peu de commentaires, ce qui centre l’intérêt sur l’image seule. La réalité yougoslave, sa diversité, offre un champ d’observation inépuisable.

Nikolic (The Boogeyman/Bauk), confirme en 1974 son talent. Il fut scénariste de nombreux films de courts et longs métrages. Le Festival de Pula de 1974 a rendu hommage à un documentariste quasi ignoré par toutes les études, Zika Ristic auteur d’une quarantaine de films de 1949 à 1974, où il met en œuvre une manière caractéristique: rapports intimes entre l’homme et la nature allant à la fois dans un sens épique (construction de la société nouvelle) et dans un sens accusateur (dénonciation des méfaits du fascisme). Casques (Sljemovi), 1968 est particulièrement caractéristique de cette approche: Ristic nous montre toutes les utilisations qui ont été faites des casques abandonnés par les Allemands pendant ‘la guerre (la satire s’accompagne toujours d’un regard lyrique). Structurellement, les films de Ristic sont toujours conçus avec un appoint musical important qui en souligne chaque élément narratif. Ce qui caractérise l’ensemble de son œuvre, au sens d’un commentateur yougoslave, Petar Ljubojev, ce sont les paradoxes que Ristic incarne à l’intérieur de la cinématographie yougoslave. Contrairement à de nombreux créateurs, il a poursuivi son œuvre au-delà des succès rencontrés et a signé de ce fait une production abondante. Il a varié ses sujets, mais est resté attaché à une manière, sans se laisser le moins du monde influencé par les courants étrangers. Dans les années cinquante, à une époque où la société yougoslave était à un stade critique de changement ou de stabilisation, Ristic a su rendre compte de la nécessité d’expliquer le monde dans lequel nous vivons, en montrant que les valeurs humaines ne sont pas séparables des problèmes de l’homme et de la nature. Pour cela, son œuvre est citée comme exemplaire: constance et évolution en même temps. Une voie, disait-on, pour l’avenir — un avenir qui ne saurait fermer la porte aux jeunes (un problème ardu, vu la responsabilité sociale et ‘politique du créateur). Du côté de l’animation, sous l’impulsion de Dusan Vukotic s’est développé ce que l’on a nommé «L’école de Zagreb», qui du jour au lendemain s’est imposée, à l’attention du monde des animateurs, par une technique graphique et un style personnels. Les personnages sont stylisés, les décors simplifiés et l’idée extrêmement simple et efficace: il s’agit dans un premier temps de l’illustration d’un certain nombre de maximes (les thèmes les plus courants sont le pacifisme et les tares de l’individu). Il y eut ensuite sous l’impulsion du succès toute une période de satires politico-sociales qui s’est achevée en 1973, par une incursion dans le futur et la science-fiction.

Toutefois on ne peut ranger des animateurs aussi différents que Vukotic, Mknica (passé maintenant au long métrage de fiction), Kolar, Kostelar, Krsti, Marko sous la même étiquette. Les conditions de production (le réalisateur étant le maître complet du sujet, de l’idée jusqu’à la réalisation) facilitent l’épanouissement de styles distincts. On a vu ainsi le cinéma d’animation élargir considérablement son champ d’application: de la réalité extérieure vers la réalité intérieure, du pastiche (voir Cowboy Jimmy de Vukotic) à la fantaisie (Wau-wau de Kolar) ou aux avenutres de Maxi-cat de Grgic... Zagreb a d’ailleurs essaimé à travers toute la Yougoslavie: c’est à Novi Sad par exemple que Zoran Jovanovic a produit son Drapeaux (Zastave), une animation directe sur pellicule.

«Le film est une matérialisation de mes souvenirs, explique Vukotic, ma vie présente et mes rêves. Même dans les personnages, je mets, je l’ai découvert plus tard, des côtés de ma propre personnalité». Vukovic est d’ailleurs persuadé que l’on parviendra par le dessin animé à transcrire directement les pensées.

Le fait que les dessins animés yougoslaves sont accompagnés d’un bruitage (le plus souvent) a permis une exploitation à l’étranger: le 80% de la production est ainsi acheté par les Etats-Unis. Mais rien ne se démode plus qu’un style, et il faut veiller à les changer, il faut inventer sans cesse, renouveler le oadre des expériences. Utopia de Kolar est une ouverture sur le rêve: objets flottants montrant le vain attachement qu’on leur porte, dénonciation indirecte du matérialisme... Inventer, ne pas s’attacher à des formules (il n’y a rien de plus terrible, estime Vukotic).

Cette vitalité du court métrage, où les aléas de la production paraissent plus faciles à dominer, laisse rêver quant à la portée que le long métrage pourrait avoir s’il était abordé dans le même esprit et jusqu’au bout.

Ces quelques notes pourraient d’ailleurs fournir la base d’une étude plus fouilée de cette question.

DOKUMENTAR- UND TRICKFILME

Bereits 1936 sind 36 Dokumentarfilme gedreht worden, 1945 waren es nur 6, und seit 1962 beträgt die Jahresproduktion an Kurzfilmen um die 200. Belgrad gilt als Zentrum des Dokumentarfilms, Zagreb als jenes des Trickfilms.

Der Stil des Dokumentarfilms kann als straff in der Montage, gedrängt in der Photographie und als nichtkonform in der Aussage definiert werden. Zika Ristic mag charakteristisch sein: Menschliche Werte sind untrennbar mit den Beziehungen zwischen Mensch und Natur verknüpft.

Die «Zagreber Schule» des Trickfilms hat sich unter Dusan Vukotic entwickelt. Die Personen sind stilisiert, die Ausstattung ist schlicht, und die Ideen sind einfach, aber wirkungsgeladen; typisch sind die Geräuschkulissen (was den Ankauf von 80 Prozent der Produktion durch die USA erklärt). Doch Stile stumpfen ab, und es müssen stets neue Formeln gefunden werden. (jb)

Claude Vallon
Keine Kurzbio vorhanden.
(Stand: 2020)
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